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Pour un leadership relationnel

Le référentiel de leadership relationnel CASE développé par Goffee et Jones (2006) a le mérite de la simplicité, tout en se focalisant sur l’essentiel : la relation entre le leader et ceux qu’il inspire, en adressant avant tout ce dont ces derniers ont besoin.

Photo 1 - La DGE fait son comptoir-1
Photo: Réunion annuelle de la DGE, Montricher, 2023

La littérature sur le leadership met généralement l'accent sur les caractéristiques inhérentes aux individus que sont les cadres ou les dirigeants. Robert Goffee et Gareth Jones, auteurs du livre Why Should Anyone Be Led by You ? proposent une autre approche, qui aborde le leadership comme quelque chose qui se passe dans la relation avec les autres, la relation entre le leader et les membres de son équipe.

L’idée est que le leadership est :
  • relationnel, car il se réalise avec les personnes avec lesquelles une relation se noue
  • indépendant du lien hiérachique : le titre ne fait pas le leader
  • dépendant du contexte, en se déployant dans l’environnement dans lequel il est cultivé

Dans ce modèle, l’action du leader répond à des besoins essentiels des membres de l’équipe. Pour y parvenir, le leader :
  • écoute les membres de son équipe, observe leur travail et capte leurs émotions
  • dispose d’une certaine connaissance de soi, d’une compréhension des personnes qui le suivent et accepte de dévoiler une partie de lui-même
  • est proche tout en restant distinct dans la relation interpersonnelle ; il dose entre l’empathie quand il le faut et la conservation d’un peu de distance quand il s’agit de rappeler le travail à accomplir ou les objectifs à respecter
  • communique avec soin, en appréciant le message à faire passer, le vecteur approprié et le contexte, et en indiquant au besoin les étapes claires et réalisables relatives à ce qui doit être fait et pourquoi

Le référentiel CASE permet de mettre en pratique cette approche relationnelle du leadership. Il a l’intérêt d’être très simple et porte l’attention sur la manière dont le leadership permet d’agir avec les membres d’une équipe, de faire ensemble et donc de répondre à leurs besoins. Son acronyme, CASE, correspond à 4 actions que le leader peut privilégier :
  • Construire une Communauté et un sentiment d’appartenance et d’interconnexion
  • Démontrer de l'Authenticité, en acceptant de dévoiler ses différences, forces et faiblesses d’être humain
  • Donner de l'importance et reconnaître le Sens et l’importance du travail de ceux qui forment l’équipe, en leur apportant de la reconnaissance et du feedback
  • Susciter l'Enthousiasme, en inspirant à l’équipe une envie de s’engager à ses côtés, de partager sa vision, ses valeurs et sa motivation
CASE leadership
Ce référentiel a été sous-jacent à plusieurs démarches que nous avons menées au sein de la Direction générale de l’environnement (DGE) de l’Etat de Vaud, dans le cadre d’une collaboration avec Annick Wagner, du Centre d’Education Permanente (CEP) à Lausanne, qui nous a sensibilisés à cette approche.

En effet, si l’on reprend les 4 caractéristiques du modèle, nous avons, par exemple, contribué à développer un sens de la Communauté avec notre travail sur la Vision de la DGE en 2030 (Neet, 2024 a). Ce sont toutefois surtout les réunions annuelles de la DGE, devenues au fil des ans toujours plus ludiques, festives et suivies, qui ont développé un véritable sentiment d’appartenance et de communauté.

S’agissant du Sens, il est en quelque sorte inhérent à la mission des membres de la DGE. Cela ressort bien de la formulation synthétique de sa vision : La Direction générale de l’environnement (DGE) : un acteur majeur de la transition écologique vaudoise. En réalité, en travaillant au sein du service public et dans des domaines comme l’environnement et l’énergie, les membres de la DGE ont tout simplement la chance de faire un travail utile et empreint de sens.

Quant à l’Enthousiasme, il est engendré par la contribution des équipes de la DGE à la réalisation de politiques publiques novatrices, que ce soit en termes de développement des énergies renouvelables, d’actions contre la pollution de l’air, de l’eau et des sols ou encore par les actions de terrain en faveur de la conservation et de la restauration de la biodiversité dans nos biotopes, nos forêts et nos cours d’eau. A cela s’ajoutent différentes initiatives comme la création du DGE-Club, un cercle interne qui s’appuie sur des volontaires qui se font relais pour promouvoir des activités en commun dans un état d’esprit de découverte, dans ou hors du cadre professionnel. C’est d’ailleurs là un cercle d’initiative qui correspond bien à l’approche inspirée de l‘organisation duale au sein de la DGE (Neet, 2024 b).

Il reste l’Authenticité. Dans leurs travaux, Goffee et Jones s’y réfèrent par le biais du concept de leadership authentique (Goffee & Jones, 2000, 2006 a, 2006 b). Northouse (2016) indique que cette forme de leadership est un processus collectif qui a une forte dimension interpersonnelle, créé par les leaders et par ceux qu’il inspire, ensemble. Ce type de leader s’appuie sur ses forces et ses faiblesses et accepte de les dévoiler, comme il parlera aussi des événements majeurs de sa vie.

Il convient cependant de rester humble avant de se déclarer leader authentique, à savoir ce qui depuis quelques années est devenu le standard de référence du leadership (Ibarra, 2014).

En effet, le fait d’être authentique n’est pas une qualité que l'on possède ou pas (Adarves-Yorno, 2016). C’est plutôt une dimension dynamique, qui va évoluer avec le temps et en fonction des rôles qu’assume le leader au cours de son parcours, ce qui peut engendrer un certain nombre de paradoxes. Ainsi, à titre d’exemple, être soi-même ne veut pas dire que l’on peut tout exposer de soi, au risque de perdre en crédibilité (Ibarra, 2014). L’authenticité est donc quelque chose de fluide qu’il faut gérer avec finesse, parfois au prix de grands efforts (Goffee et Jones, 2006 b) et d’une continuelle quête de la connaissance de soi (Adarves-Yorno, 2016).

De plus, le leadership authentique est l’objet de nombre de recherches, qui vont en augmentant tout en alimentant un intense débat académique. Dans leur récente revue de la littérature, Polat et al. (2024) ont dénombré pas moins de 182 publications sur le sujet. Parmi les critiques, le concept de leadership authentique a été qualifié de profondément problématique car ne tenant pas compte de la manière dont les circonstances sociales et historiques affectent la capacité d'une personne à être un leader (Gardiner, 2011). Ford et Harding (2011) y voient une forme d’impossibilité sur le plan psychologique. D’autres, au contraire, soutiennent cette forme de leadership, comme Lux et al. (2023) qui en ont démontré, sur le terrain, les effets positifs mesurables, notamment en termes d’engagement et de performances. Le Journal of Management and Organization va d’ailleurs publier une édition spéciale sur le sujet en 2025, pour marquer les 20 ans de la recherche sur le leadership authentique, un thème lancé par The Leadership Quarterly dans son édition dédiée de 2005. En bref, le leadership authentique va encore faire l’objet de passablement de réflexions à l’avenir avant de trouver ses contours définitifs, tant ses définitions apparaissent encore comme fragmentaires et compliquées (Omeihe et al., 2021).

Pour en revenir à Goffee et Jones, il est intéressant de constater qu’ils se sont distanciés, dès l’origine, de ce courant qui fait de l’authenticité du leader une caractéristique de sa personne (e.g. Crawford et al. 2020), en affirmant leur conception relationnelle de l’authenticité, qui n’est pas pour eux l’attribut d’une personne. Se démarquant des principaux courants de recherche sur le leadership authentique, plusieurs années après la parution de leur livre, ils ont réaffirmé que l’authenticité est une propriété de la relation et pas de l’individu (Jacobs, 2016).

Or, au sein de la DGE, c’est bien dans cette direction que nous avons essayé de travailler, en soulignant régulièrement l’importance qualitative de la relation entre les cadres et les membres de leurs équipes.

En cultivant votre capacité à lire le contexte, à comprendre les besoins de ceux que vous conduisez et en vous adaptant en conséquence, vous serez sans doute en mesure de répondre à la question posée par Goffee et Jones : Pourquoi quelqu'un devrait-il être dirigé par vous ?

Auteur : Cornelis Neet

Sources :

  • Adarves-Yorno, I. (2016). Leadership and the paradox of authenticity. In: Bolden, R., Witzel, M. & Linacre, N. (eds), Leadership Paradoxes. Routledge, London, 115–130.
  • Crawford, J. A., Dawkins, S., Martin, A. & Lewis, G. (2020). Putting the leader back into authentic leadership: reconceptualising and rethinking leaders. Australian Journal of Management 45 (1) : 114-133.
  • Ford, J. & Harding, N. (2011). The impossibility of the “true self” of authentic leadership. Leadership 7(4) : 463-479.
  • Gardiner, R.A. (2011). Critique of the discourse of authentic leadership. International Journal of Business and Social Science 2 (15) : 99-104.
  • Goffee, R. & Jones, G. (2000). Why Should Anyone Be Led by You ? Harvard Business Review 78 (5) : 62-70.
  • Goffee, R. & Jones, G. (2006 a). Why Should Anyone Be Led by You ? Harvard Business Review Press, Boston MA, 244 p.
  • Goffee, R. & Jones, G. (2006 b). Managing authenticity. Harvard Business Review 83 (12) : 85-94.
  • https://strategy-leadership.com/wp-content/uploads/2012/10/Authentic_Leadership_Goffee_Jones-1.pdf
  • Ibarra, H. (2014). The authenticity paradox. Harvard Business Review 93 (1-2) : 52-59.
  • Jacobs, K. (2016). Goffee and Jones: Why should anyone work here ? HR Magazine, 25 January, https://www.hrmagazine.co.uk/content/features/goffee-and-jones-why-should-anyone-work-here/
  • Lux, A. A., Grover, S. L. & Teo, S. T. T. (2023). Reframing commitment in authentic leadership: Untangling relationship-outcome processes. Journal of Management and Organization 29 : 103-121.
  • Neet, C. R. (2024 a). Développer une vision pour créer du lien. Coachmap.ch Sàrl, https://coachmap.ch/blog/
  • Neet, C. R. (2024 b). L'organisation d'inspiration duale. Coachmap.ch Sàrl, https://coachmap.ch/blog/
  • Northouse, P. G. (2016). Leadership: Theory and Practice., 7th edition. Sage, Los Angeles, 521 p.
  • Omeihe, I., Harrison, C., & Omeihe, K. (2021). Authentic leadership: a systematic literature review. In British Academy of Management 2021 Conference Proceedings, British Academy of Management, 1-29.
  • Polat, E., Arici, H. E, & Arasli, H. (2024). Authentic leadership: a systematic review and research agenda. Ege Academic Review 24 (3) : 369-390.


Cet article fait partie d’une série de quatre - une tétralogie (4/4) - qui rendent hommage au Centre d’Education Permanente (CEP), et à Annick Wagner en particulier, pour leur contribution décisive à l’introduction d’un management créatif, innovant et agile au sein de la Direction générale de l’environnement (DGE) entre 2013 et 2023.
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